Happy end

Comme promis, ma Gé… Avec toute mon amitié.

 

On avait rendez-vous en bas des marches. La date était écrite sur mon agenda depuis des semaines, et la tension montait, chaque jour un cran de plus, jusqu’à m’étouffer. Tu étais déjà là quand je suis arrivée. Je t’ai vu de loin, ton grand corps élancé malgré les années, ta silhouette d’éternel adolescent, j’ai stoppé au coin de la rue pour bien te regarder. Tu jouais avec la première marche de l’escalier, un pied, et puis l’autre, en équilibre sur les orteils avec les talons dans le vide, un mouvement de bascule, un petit saut en arrière, on aurait cru que tu faisais du step, là, tout seul. Le prince de l’incongruité… Je me suis dit que tu étais d’humeur joyeuse, que tu étais décontracté, et que c’était bien, parce que ça allait nous aider. Moi j’étais tendue comme un arc, incapable de respirer normalement, la gorge nouée, les mains tremblantes. Tu as tourné la tête vers moi, tu m’as fait un signe de la main, en souriant tout grand, et je me suis avancée. Ton baiser sur ma frange, ta main sur ma joue, tes yeux lumineux, et cette odeur de thé qui ne te quitte jamais. Tu as passé ta main dans mon dos, tu m’as dit : « Allez, ma chérie, c’est pas le moment de flancher. Tu es belle… Bon, faut pas traîner. »

Tu as pris mon coude pour monter cet escalier, traverser l’immense hall, naviguer dans les couloirs en cherchant la bonne porte, tu sifflotais. On s’est assis côte à côte sur les chaises molletonnées, il y avait des bruits de pas étouffés, des sonneries de téléphone derrière des portes épaisses, des gens qui passaient, pressés, sans nous regarder. Du coin de l’œil, j’ai observé les détails de ton visage. Tes pommettes hautes et anguleuses, ton menton rasé de près, tes lèvres minces, tes tempes creuses. J’ai détaillé tes larges épaules, ton dos puissant, tes cuisses longues et musclées. J’ai eu envie d’y poser ma main, j’ai eu envie de ce moment d’intimité, de ce geste retrouvé. Les images se sont bousculées, dans le silence de notre attente.

Je te vois allongé sous un gros chêne, un enfant assis à califourchon sur ton ventre, et vos rires qui se mêlent, qui se répondent, qui grandissent.

Je te vois plier des avions en papier, mouiller la pointe et les lancer, des mots d’amour qui viennent cogner dans mon dos, et moi qui râle en riant : « Mais laisse-moi travailler !! ».

Je te vois endormi à mes côtés, dans la chambre de la maternité, la joue posée sur ta main, les jambes croisées, les cernes sombres et creusés, et le sourire figé au cœur de ce sommeil volé.

Je te vois courir sur le sable, ouvrir grand les bras, tout sourire, avec la mer derrière, le soleil qui nous inonde, des seaux, des pelles, éparpillés autour de moi.

Tu as tourné la tête pour me regarder, tu as souri, et tu as dit : « Toi aussi, tu te sens bizarre ? ». J’ai hoché la tête, et la porte en face s’est ouverte. On s’est levés tous les deux ensemble, dans un même mouvement, dans une belle unité, et on est entrés.

C’est aujourd’hui que notre divorce est prononcé.

 

 

5 commentaires sur « Happy end »

  1. Tiens voila que je fais la liaison.. agent de pub, voila c’quaurait du être mon métier, le relationnel ! c’est que notre québécoise persiste ( à fréquenter mon blog ) elle n’est pas dégoûtée par l’abondance !… mais faut croire qu’on a des goûts communs, Camille ne cesse de nous surprendre… comme avec ton texte où on ne s’attend pas du tout à la conclusion…

    Bon alors, t’es libre maintenant ?

    J’aime

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