Parfois on lit en ralentissant le débit, pour profiter, pour humer l’air, pour savourer les mots goutte à goutte : on est au resto gastronomique, on va pas bâfrer comme à Mac Do, ce serait pécher. C’est la sensation que j’ai eu sur ce roman. Un plaisir à lire, à relire certaines phrases, à me les mettre en bouche à haute voix, pour la beauté du rythme et la qualité de l’image, ou l’inverse.
C’est une tragédie d’amour, elle est blanche, il est noir, ils sont acteurs à Hollywood, elle est basque, il est congolais, Solange, Kouhouesso. C’est une rêveuse amoureuse et généreuse, c’est un mufle ambitieux et égoïste. Donc ça va pas être facile facile, l’histoire. Surtout pour elle, forcément. Parfois, faut qu’y en ait un qui morfle, et là, jusqu’au bout du bout, le gars ne prendra pas sa part.
J’en ai connu. Des comme ça. Des mufles qui font morfler jusqu’au bout du bout. Dont la désinvolture dans le déroulé des événements tient lieu à la fois de cruauté et d’excuse. Non, franchement, ça m’a rappelé des trucs. Et du coup, j’ai trouvé la description qu’en faisait Marie Darrieussecq d’une très grande finesse. D’une intelligence délicieuse. Je crois que ma légère réserve lorsque j’ai fermé le livre, après la lecture de la toute dernière phrase, est justement due au fait que j’aurais voulu qu’il ait sa part de souffrance, un peu. Une vieille rancœur d’ancienne amante bafouée, mais en y réfléchissant, l’auteure a bien fait de maintenir la même tonalité jusqu’au point final. Sans parler d’un happy end, une fin plus… disons plus mélodieuse, plus flatteuse pour lui, plus douce pour elle, m’aurait soulagée en tant que lectrice sur le moment, m’aurait assoupli le ressenti, mais aurait sans doute rendu le roman moins mémorable. Donc j’ai terminé avec la gorge un peu nouée, et toute remplie de colère contenue. Et aussi, et surtout, toute empreinte d’admiration pour cette écriture magnifique, ce récit bouleversant.
Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela, ce n’est pas possible, on ne peut pas les supporter. Marguerite Duras
très chouette commentaire qui, s’il ne donne guère envie de dévorer ce livre, donne envie de continuer à vous grignoter, vous.
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Ah ? Merci, c’est super gentil ! Pourtant j’ai vraiment aimé ce bouquin, ça ne se sent apparemment pas. 😉
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