Précocité, mon cul !

Aaaaaahhhh… ça vous manquait, hein, les articles au titre évocateur !

Alors voilà, suite à un partage très sympa de mon lecteur assidu Jak (merci à lui), j’ai décidé aujourd’hui de parler de QI, QE, et autres petites croix dans les petites cases.

C’est un thème récurrent à l’école que celui de la précocité des élèves. Vous connaissez tous un gosse de votre entourage à qui on a calculé un Quotient Intellectuel élevé, ce n’est pas rare, je dirais même que c’est assez fréquent. On est en droit alors de se poser la question de l’intérêt de faire ce genre de test, ce que ça apporte au gamin, aux parents, aux prof qui s’en occupent (ce que ça rapporte au psy qui fait le test, on n’en parlera que dans cette parenthèse, je ne m’étends pas, sinon je vais me fâcher).

D’abord, ma très longue expérience d’instit (rho, la vache, 20 ans bientôt, j’ai rien vu passer, moi…) m’amène à constater que nous sommes victimes de modes. Au début de ma carrière, on voyait fleurir des hyperactifs partout, ensuite, on a eu les troubles envahissants du développement (TED), les apnées du sommeil, les épileptiques, sans parler des très nombreux dys (dyslexie, dysphasie, dyspraxie, dyscalculie, dysorthographie) qu’on découvre chaque jour… Je ne remets absolument pas en question tous ces troubles, les connaître nous permet de mieux appréhender les difficultés de certains enfants, et donc de les aider sans les juger. Autrefois, on avait qu’un seul terme pour tous : chiant. C’était un peu réducteur, faut reconnaître. Ce qui m’ennuie, c’est d’associer des petits travers de personnalité tout à fait ordinaires à des troubles réels et très handicapants. Tous les gosses ont envie de bouger, ça ne fait pas d’eux des hyperactifs (pour avoir eu un « vrai » hyperactif en classe il y a quelques années, je peux témoigner que ça n’a rien à voir…)

Je répète que je n’ai rien contre le calcul de QI, j’ai fait moi-même des études de psycho, je connais la valeur de ces tests, le sérieux avec lequel ils sont validés, et leur fiabilité. Il ne s’agit pas de ça. Je veux juste souligner que dire qu’un enfant est précoce ne détermine absolument pas de sa capacité à utiliser à bon escient cette intelligence. Pour ça, il faudrait aussi calculer le QE (quotient émotionnel), qui permet à l’individu d’être efficace dans son rapport au monde. Être « surdoué » mais incapable d’entendre, de ressentir, de comprendre son prochain, c’est juste un cauchemar, je ne le souhaite à personne. Je ne vais pas paraphraser l’article du Huffington Post qui suit, n’hésitez pas à le lire, il est très intéressant. Simplement, pour conclure, et pour en revenir aux élèves, il faut toujours se poser la question de ce que ça apportera à cet enfant d’être diagnostiqué « précoce ». Une fois qu’on a le chiffre en main, qu’on sait que Loupiot a 130 de QI, ça change quoi ? Qu’est-ce qu’on fait de cette information ? Ben rien. Le monde entier ne s’adaptera pas à Loupiot, c’est Loupiot qui devra s’adapter au monde… donc il est de notre devoir de lui donner les bonnes armes. Notre but est toujours l’adulte en devenir, notre objectif est que cet adulte soit heureux dans le monde qui l’entoure. Les bonnes armes, pour moi, sont davantage la capacité à écouter, comprendre, ressentir ses émotions propres et celles de son prochain.

http://www.huffingtonpost.fr/dr-travis-bradberry/11-signes-que-vous-manquez-dintelligence-emotionnelle/

16 commentaires sur « Précocité, mon cul ! »

  1. J’ai été fortement attirée par le titre évocateur et provocateur de votre article…
    En effet, il a le mérite d’accrocher le lecteur. On pourrait croire de prime abord que vous ne savez pas de quoi vous parlez mais en avançant ligne après ligne, on constate que vous avez une expérience, une formation et une réflexion solides. Je me suis amusée à en décrypter chaque ligne. Et figurez- vous que votre raisonnement est effectivement très pertinent et qu’une association de parent précoces EIP, HPI ou tout autre aurait aussi pu écrire ces lignes. Je vous renvoie aux témoignages fleurissants sur le sujet et sur les travaux de Jean Charles Terassier.
    Je vous remercie pour cet article qui n’a de provocateur que le titre puisqu’il caractérise fort bien les EIP et leur situation ( qui ne peut être traitée qu’individuellement dans le but de s’adapter au monde qui l’entoure ).
    Alors que vous pensez des arguments qui se voudraient à la défaveur des enfants précoces, vous les définissez à merveille et avez très bien compris le dilemme qui se présente à sa famille. Bilan ou pas? Pour quoi faire? Évidemment il n’y a pas de réponse globale à cela et vous l’avez bien compris. Chaque individu est différent. En un mot: merci pour ce bel article .
    Pourquoi ne pas rentrer dans une association pour aider les EIP, vous en avez les compétences. N’hésitez pas à rejoindre l’AFEP !!!

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    1. Votre commentaire est assez flatteur, et je vous remercie de ce message aimable, mais sachez bien que je n’ai pas la prétention de faire de leçon à quiconque, je lance mon avis, on en discute, voilà tout ! Et… pour clarifier une chose importante pour moi : je ne dis rien « en défaveur » des précoces dans ce billet, j’espère avoir été limpide dans mon propos… Je reconnais évidemment son existence et je connais les expressions particulières (voire très troublantes) que cette précocité prend pour s’exprimer. Non, je m’interroge juste sur le traitement qu’on en fait, qui isole ce fonctionnement particulier du reste de ce qui fait le tout de l’enfant (histoire, mode éducatif, gestion des émotions, fratrie).
      En tout cas, merci d’être passé, d’avoir lu mon billet avec cette attention.

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  2. Le calcul du QI sert lorsqu’il y a un problème (à l’école, à la maison,…) pour essayer de résoudre ce problème. Si tout se passe bien, aucun intérêt…Au moindre souci et devant une personne présentant ses signes, il faut lever le doute car une erreur de diagnostic est dramatique pour l’enfant précoce et l’adulte en devenir qu’il est car l’enfant précoce à une sensibilité hors norme et je ne pense pas que le calcul du QE soit nécessaire car ce genre de gamin explose tout.
    La précocité non mise à jour est un véritable boulet!
    Pour les modes, je ne sais pas…Ce qui est sur c’est qu’il y a 40 ans, les adultes (et parents en premier) bloquaient souvent le sait de classe du fait de « l’immaturité », aujourd’hui les instits proposent plus franchement les sauts de classe! Et ça c’est génial!!!

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    1. Tu es sensible au sujet, je le sais, et j’espère n’avoir pas laissé entendre que les diagnostics étaient infondés et inutiles, ce n’est pas du tout mon propos. La précocité doit être prise en charge, et c’est souvent difficile à gérer, raison pour laquelle je « ne souhaite à personne » de rencontrer ce souci, car c’en est un, quand la précocité s’accompagne de mal-être. Ce n’est pas toujours le cas, loin s’en faut, de la même manière que tous les enfants dys ne sont pas systématiquement en échec (j’avais fait un billet là-dessus il y a quelques temps).
      Pour ce qui concerne les sauts de classe, pourquoi pas, il m’est arrivé d’en proposer. Mais il faut quand même réfléchir à une chose : on nous interdit désormais les maintiens (càd les redoublements) au prétexte que les enfants réussissent toujours mieux dans leur classe d’âge. Il nous est demandé de différencier au lieu de faire redoubler. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les passages anticipés, qu’on ne nous refuse jamais, bien au contraire… Je vais te dire pourquoi : c’est une question de fric. Faire redoubler un enfant, c’est payer un an de scolarité supplémentaire, tandis que lui faire sauter une classe, c’est en économiser une. Voilà la réalité. Tous les redoublements que j’ai proposé ont été des réussites, et j’en ai seulement provoqué 3 dans ma carrière, on ne le fait pas à la légère, et les petits qui étaient auparavant en souffrance me disaient l’année d’après « oh, là, là, maîtresse, c’est super, cette année, tout est facile ! ». Inversement, une collègue me racontait avoir cédé devant l’insistance de parents qui voulaient faire sauter le CE1 à leur petit loup, lequel s’est retrouvé par la suite très en souffrance, et a échoué à l’entrée au collège. Pas simple d’avoir à peine dix ans quand on entre en sixième… Alors, oui, la maturité, ce n’est pas que du blabla, et vraiment, je parle d’expérience (mon expérience de maman).
      Finalement, le plus important, c’est d’être bien dans ses pompes, et c’est ce qui me préoccupe le plus concernant mes élèves.
      A très vite, Emilie !

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      1. De toute façon, tu vois bien plus d’enfants que moi dans une année que je n’en verrai dans toute une vie😉Perso je n’ai que quelques enfants en exemple dont les miens.C’est un sujet effectivement qui me touche et j’ai tendance à dégainer au quart de tour😂La maturité n’est pas du blabla, Mais simplement un enfant qui saute une classe est forcément moins mature que les autres et comme les évidences ont tendance aussi à m’agacer… 😂J’ai apprécié ton parallèle avec le redoublement…C’est probablement évident pour toi, mais du point de vue de la « radio-parking », ça l’est beaucoup moins😄Les enfants surdoués sont en constant effort pour « décompenser », un test de QI pour poser un mot sur un décalage, ce n’est pas grand chose…En revanche, il est clair (et c’est peut être là qu’est le véritable problème) que les parents non avisés surestiment le rôle du test de QI, et se méprennent sur la définition de l’adjectif « surdoué »…
        Bon je pourrai en parler des heures. C’est très intéressant d’avoir un avis de pro non dilué😉
        Bises

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        1. Bien-sûr, qu’en ayant une année d’avance, l’enfant n’a pas la même maturité, que dire alors d’un enfant né le 26 décembre, et cet autre né le 3 janvier, et cet enfant unique, cet enfant né préma, cet enfant qui a subi des traumatismes, cet autre qui est livré à lui-même, et celui-ci qui vient d’avoir une petite sœur, ou qui vient de perdre son papa, ou qui vient d’avoir un cancer, etc, etc… Ils sont tous différents, ils sont tous uniques. Précoce (je préfère que surdoué), c’est une particularité parmi tant d’autres. Même un enfant précoce peut apprendre à se montrer rigoureux, et à faire patienter sa vitalité intellectuelle, parce qu’il ne vit pas seul dans un monde qui se met en quatre pour lui. C’est un service à lui rendre que de lui donner à manger sans lui faire croire qu’il est tout puissant. Tout comme un dyspraxique doit apprendre à ranger et gérer ses affaires, son matériel, progressivement… Evidemment, nous, on compose avec tout ce petit monde, au mieux, et en essayant de les faire grandir harmonieusement. Alors oui, on se plante, parfois, comme se plantent les parents aussi. Parfois on passe à côté d’un troubles qu’on n’avait pas vu, qui se révèle plus tard, parfois on s’est inquiétés pour rien, parfois on regrette de n’avoir pas insisté davantage, enfin bref, on n’est pas des machines, ni eux les enfants, ni vous les parents, ni nous les enseignants.
          Bah dis donc, sacrée conversation, pas ? 😉

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          1. Camille
            J’ai retrouvé de la batterie.
            Un enfant précoce ne se croit pas tout puissant, ce sont les gens autour qui lui colle leurs propres fantasmes sur leur dos. Et faire patienter sa vitalité intellectuelle c’est bien la dernière chose à faire si tant est que l’on est au courant, bien sûr !
            Tout le monde peut se tromper car l’erreur est humaine et c’est là, en cas de mal être que le QI à son rôle à jouer!!!
            Tu en as plein le dos mais je te conseille tout de même de la lecture sur le sujet:
            Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante de JC Terrassier et Differences et souffrances de l’adulte surdoué de Cécile Bost.
            Et je terminerai (pour moi, en tout cas) sur le fait qu’un gamin soit surdoué ou précoce (surdoué est chargé en France, mais que devient l’enfant précoce un adulte précoce) ne le protège pas des maladies, et des accidents de la vie…
            Bisous Camille et bonne journée avec tes moustiques😉

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            1. N’importe quel enfant peut se sentir tout puissant si personne ne lui apprend à résister à la frustration et à respecter son prochain, c’est ce que je voulais dire. En gros, même précoce, même déficient, même dys, même hyperactif, on peut être bien élevé ! 😉 Et quand je parlais de le faire patienter, c’était pour signifier que malgré l’énergie qui le dévore, il peut attendre son tour pour parler, pour répondre, pour montrer, il peut (doit) comprendre que d’autres ont besoin de plus de temps, ça s’appelle le vivre ensemble, c’est essentiel à la construction de la personnalité et à la vie adulte future.
              Sinon, je n’en ai pas du tout plein le dos, ces questions me passionnent, et je te remercie beaucoup pour ton conseil de lecture, je le note ! Merci Émilie.

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