Les attachants, de Rachel Corenblit

9782812614361Emma, enseignante en début de carrière, rencontre un homme, un soir dans un bar. En guise de prise de contact, elle déverse sur lui son trop-plein de stress, sa hargne, son désespoir amer, ses colères, ses inquiétudes, bref son calvaire. Cette misère qu’elle explore, qu’elle raconte, qui la remplit, ce n’est pas la sienne, c’est celle de ses « attachiants », ses élèves de l’école des Acacias, plantée entre des tours lugubres dans un quartier abandonné et meurtri. Un florilège de gosses abîmés, plus démolis, plus ravagés les uns que les autres, avec chacun son mode d’expression de la détresse, et elle, la maîtresse, qui surnage et se démène. Elle vomit son quotidien, Emma, elle se vide, elle se répand. Une drôle d’entrée en matière qui en ferait fuir plus d’un. Pas lui. L’homme écoute, et il écoute bien. Une qualité fondamentale pour devenir mari d’instit’.

Sur fond de vie de classe, à travers ce condensé d’enfants en souffrance, l’histoire d’amour d’Emma et Mathieu naît, s’étoffe, se raffermit, contre toute attente. Rien ne le prédispose à réussir, tout semble aller de travers, se construire de guingois, et pourtant ça marche. Un peu à l’image de certains de ces gosses : un démarrage de merde, tout qui part en couille dès le départ, et finalement, parfois, émergent quand même des destins heureux, au bout du compte et contre toute attente. Alors on garde espoir, malgré tout.

J’ai beaucoup hésité à écrire et à publier ce billet, pour plusieurs raisons. D’abord, Rachel est mon amie, depuis 20 ans, depuis l’IUFM, et critiquer le bouquin d’une amie, c’est hard. C’est même casse-gueule. Ensuite ce livre parle de l’école, et critiquer un bouquin qui parle de l’école, pour une instit, c’est soumis à caution. C’est… casse-gueule.

Mais voilà, je l’ai dévoré, enfin… non, c’est lui qui m’a dévorée. Les larmes au bord des cils, les mains qui tremblent, le cœur affolé, les yeux qui forcent à travers le flou : il y avait longtemps, longtemps que ça ne m’était plus arrivé. Je ne pouvais pas ne pas en parler.

Evidemment, cette histoire fait frémir, et Rachel n’a pas hésité à exposer le plus épouvantable de ce qu’on peut trouver dans une école, dans une classe, avec des élèves et leur famille. Pourtant ce n’est pas du fantasme, on le sait tous, cette école pourrait exister, ces histoires pourraient être vraies. Emma la jeune maîtresse se débat, elle lutte, elle vit des moments de grand désespoir, de colère, de renoncement, d’accablement. Les descriptions de ses états d’âme sont intenses et brutales. Elle les déteste, parfois, ces mômes. Épuisée et perplexe, elle rêve juste de les abandonner, de renoncer, mais même dans ces moments-là, on entend distinctement sous ses mots durs, son aigreur ou son effroyable sentiment d’impuissance, l’immense et indestructible tendresse de la maîtresse pour ses élèves.

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Les attachants, de Rachel Corenblit, éditions Le Rouergue, collection La Brune.

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