A propos des Yo Soy

2142806452C’est comme ça qu’on les appelle, dans mon école, ces gosses tout-puissants que la moindre frustration fait sortir de leurs gonds. Leur donner un cadre, les confronter à l’inconfort, à l’attente, faire patienter leur désir, les amener à accepter une défaite, à fournir des efforts, à ne pas réussir immédiatement, différer le plaisir… Ce sont des fondamentaux de la vie. Pas des règles arbitraires de l’école, non : des fondamentaux de la vie humaine. Parce que les intolérants à la frustration ne sont pas heureux, insatisfaits chroniques, incapables de réellement faire partie du groupe (même très entourés, ils se sentent souvent seuls, mal-aimés par leurs pairs, incompris…), et parce que, en plus d’être pénibles quand ils sont petits, ils se préparent un avenir d’adulte pas cool.

Il ne s’agit pas de fabriquer des moutons dociles, c’est même le contraire, à mon sens. Il s’agit de leur apprendre à supporter les contraintes de la vie en société, et de ne pas être prisonniers de leurs propres caprices. Comment devenir un adulte épanoui quand on est à ce point entravé par des émotions incontrôlables qui nous aveuglent et nous gouvernent ? Comment être libre dans ce monde si on n’est pas libre dans sa tête ? Parce que c’est une souffrance, d’être un petit tyran, ça complique tout, ça empêche les relations simples et agréables, ça verrouille la communication, ça génère des angoisses, ça rend amer, ça rend méchant, ça rend… ça rend malheureux. On peut d’ailleurs constater que les mêmes réponses sont données par un enfant qui subit des frustrations permanentes et excessives… Lorsqu’ils sont trop contrôlés, trop vissés, empêchés sans cesse, quand ils n’entendent que des injonctions et des menaces, ils finissent par passer leur temps à les enfreindre, ces règles innombrables, incomprises et injustes… Comme toujours en matière d’éducation, c’est une affaire de dosage.

Rattraper ce raté éducatif, c’est difficile, laborieux, long et parfois douloureux. Souvent, les parents résistent, délèguent, ou nous contredisent carrément. Généralement, conscients du problème mais incapable de changer leur fonctionnement, ils délèguent. Ils préfèrent qu’on endosse à leur place ce qui dans leur esprit est le « rôle du méchant ». Etre celui qui dit non, c’est être celui qui, pendant un certain laps de temps, est détesté par l’enfant. Faut-il à ce point manquer de sécurité affective pour craindre à tout bout de champs de perdre l’amour de son propre enfant ?

L’intolérance à la frustration, c’était le thème de l’émission « Grand bien vous fasse », mercredi 18 octobre sur France Inter (Clique ici pour l’écouter elle est excellente). J’ai bien aimé l’ensemble, même si certaines phrases pourraient laisser penser que l’éducation bienveillante et sans violence (que je prône avec ardeur et conviction) serait la cause de ce genre de troubles chez beaucoup d’enfants. Pour moi, cette éducation compréhensive et explicative n’est pas incompatible avec l’éducation aux contraintes et aux règles imposées, loin de là. Car la bienveillance, c’est aussi de savoir poser un non sans équivoque et indiscutable. Et l’expérience me permet d’affirmer que les enfants aiment profondément cette autorité respectueuse et ferme. C’est vrai, pas immédiatement, je reconnais, et sur le moment, leur colère est rude, l’opposition est violente et haineuse, et ça peut être difficile à encaisser. Mais en tant qu’adultes, nous devons pouvoir différer notre besoin de reconnaissance de notre enfant, n’est-ce pas ? Savoir remettre à plus tard notre envie d’être aimés de lui. Non ? Les vertus de l’exemple…

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