Les gosses sont stressés à l’école. C’est un constat alarmant et inconcevable que nous faisons tous dans nos classes : à l’âge de la légèreté et de l’insouciance, ils se foutent la rate au court bouillon malgré nos efforts pour les rassurer à longueur de journée. On ne les note pas, on ne les compare jamais, on les aide au mieux, avec sourire et patience, on valorise les réussites, on encourage les efforts, on rebondit sur les échecs… Certains d’entre nous ont banni le stylo rouge, trop anxiogène, d’autres corrigent en pointant uniquement les bonnes réponses et en se notant les erreurs à part, on différencie à tout va, on fait des groupes de besoin et plus de soutien… on se prend la tête et on patauge, on s’interroge et on s’épuise. Je vous jure, on fait tout (en tout cas on essaie de tout faire) en douceur et dans le respect de chacun… Alors ? Hein ? Alors ça vient d’où cette putain de dieux de merde de pression scolaire qui les empêche d’apprendre avec enthousiasme, confiance et entrain comme on le souhaite de toutes nos forces ?
Moi, je veux pas dénoncer. C’est mal. Mais je veux pas me faire accuser non plus comme quoi on serait que des brutes à l’école, alors je raconte : l’autre jour, un petit monsieur de ma classe est venu me demander ce que voulait dire le b que j’avais mis dans la marge, face à son taf du matin. J’ai répondu « Ben… ça veut dire bien, tu le sais ! » Il a haussé les épaules. J’ai poursuivi, surprise : « Mais… on a corrigé ensemble… Tu sais bien ce qui est ok et ce qu’il faut reprendre, non ? » Comme il n’était toujours pas convaincu, j’ai insisté, un peu à court d’argument et légèrement perplexe : « Mais… tu le sais bien que c’est bien voyons ! » Il a fait la moue, et il a dit : « S’il te plaît, maîtresse, tu veux pas rajouter le t de très bien devant, parce que maman elle compte les tb pour voir si ça va, parce que comme t’as pas encore rendu les évaluations, elle sait pas trop si je travaille assez, en fait. Et pis elle veut voir si j’en ai autant que (untel), des tb. »
Gloups. Je crois que je n’ai pas pu retenir une grimace d’exaspération. Devant l’air penaud du gosse, j’ai repris le contrôle de mon visage, j’ai souri en disant que maman était sans doute inquiète, mais que tout allait trèèèèèès bien, et j’ai ajouté que dorénavant, je mettrai vu sur les cahiers. Sur TOUS les cahiers. J’ai eu l’impression qu’il était soulagé…
Une autre m’a glissé que papa lui imprimait des évaluations trouvées sur internet pour s’entraîner avant celles de l’école.
Une troisième m’a demandé si elle pouvait gommer ses fautes et les récrire pardessus au lieu de corriger en vert sur la ligne en dessous, parce que sinon, elle devra refaire le travail entier le soir à la maison.
Hey, les parents : relax. Vous croyez pas que vous disjonctez un peu, là ? Après on viendra m’expliquer que l’école leur colle la pression…
A haut niveau, il ne suffit plus d’être bon: il faut-être très bon. Vous ressentez donc les répercussions dans vos classes…
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C’est bien possible… Même si c’est désolant !
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C’est drôle, mercredi en formation, l’intervenante nous a dit « Personne n’apprend bien sous pression, votre rôle à vous c’est de faire barrage à toutes les pressions pour que vos élèves apprennent sereinement. »
Moi aussi j’ai eu les petites qui devaient faire les interrogations sur internet et apprendre les leçons de l’autre classe de CE2 en plus des leurs ! Et après ces petites sont toutes perdues, n’arrivent pas à bien se concentrer en classe et se mélangent les pinceaux…
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Et pourtant, on fait barrage, de tout notre être, mais on n’est rien face à l’inquiétude parentale, démesurée mais tellement compréhensible dans notre monde anxiogène… Je les comprends, mais je boue intérieurement.
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A vrai dire le role de l’école dans la pression est forcément important – comme celui de l’état français dans tous les domaines de la vie sociale sur les territoires. Cela dit les agents éducateurs ne sont pas forcément en cause personnellement.
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C’est en effet un problème bien plus vaste que le simple rapport à l’école. C’est la crainte de l’avenir, l’enfant faire-valoir, la revanche sur sa propre scolarité, un besoin de contrôle… Il y a bien des raisons, mais la principale reste le désir de réussir sa vie future, la conscience aigue et entretenue de la sélection impitoyable à laquelle ils devront faire face. Je ne suis pas naïve, je sais cette inquiétude, elle est légitime, mais ces réactions sont néfastes, et contre-productives. Alors on lutte…
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(le dessin à la fin de ton billet) J’Adore ces 4 p’tits gamins !!
(et) en chorégraphes colorés de leurs lendemains !
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C’est ainsi que je les voudrais, sautillant et joyeux, en plein dans l’énergie de leur vie d’enfants… On leur vole ça, et c’est une violence sociale insupportable !
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Euh… Il est vrai que ça fait flipper, raconté comme ça… 😀
C’est quel niveau ?
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CE1-CE2… On croit rêver, non ? Dans certaines écoles, les enseignants ont un mal fou à investir les parents, nous on passe notre temps à calmer leur excès de zèle. Je te jure, les gamins ont mal au bide, tremblent de peur de mal faire, de ne pas être à la hauteur des attentes parentales, c’est pathétique ! Et ce sont les mêmes parents qui viennent nous causer éducation bienveillante et sans violence, ils ne réalisent pas du tout que ces exigences sont déjà une violence inouïe…
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C’est hallucinant…
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