La semaine d’avant Noël est toujours un moment délicat à gérer dans nos classes. Je vous fais pas un dessin, faut que Pépère en rouge ramène sa fraise et après on verra plus clair. Forcément, je prévois soft, niveau apprentissage. Chaque jour, lecture d’un conte de Noël. Après la découverte du texte, on cherche ensemble des questions de compréhension à poser aux parents le soir après lecture à haute voix, histoire de vérifier qu’ils ont bien tout saisi à ces aventures palpitantes du Père Noël qui cherchait une Mère Noël (Adopteunevieille.com), du Petit sapin de Noël qui voulait qu’on le choisisse, tout ça pour finir enguirlandé, découpé à la tronçonneuse et jeté au feu (lécolécolo.org), ou cette merveilleuse histoire du Petit renne au nez rouge (fumetonjoint.fr).
Donc, lundi, c’est parti. Zonzon adore et participe avec frénésie. Comme la conversation de classe va bon train, il se lasse d’attendre son tour entre deux sollicitations et son attention se détourne. D’un coup, il se lève, alors que je gesticule devant le tableau, avance d’un pas décidé, les yeux rivés sur ma série de feutre Veleda qui sont alignés dans la rigole prévue pour les poser, et se met à les accrocher les uns aux autres, le bouchon du précédent dans le cul du suivant en une longue ribambelle bigarrée. Je m’arrête de parler, le regarde, grand silence dans la classe : « Ben… Qu’est-ce que tu fais ? » Éclat de rire général et regard surpris de Zonzon. Voit pas où est le problème. S’interroge sur la raison de l’hilarité. S’en trouve ma foi assez satisfait, fossettes et yeux pétillants à l’appui. Retourne à sa place en rigolant. Bon, ben, on reprend ?
Mardi. En maths, je propose une énigme : les lutins choisissent leur tenue, bonnet rouge, vert ou blanc, tunique rouge verte ou blanche, pantalon rouge vert ou blanc, combien de tenues possibles ? Après un moment de réflexion en solo, je les mets en petits groupes pour finaliser une solution et la présenter à la classe. Et là, c’est le drame… Il faut choisir un rapporteur (celui qui viendra au tableau pour expliquer la solution trouvée par l’équipe), et Zonzon veut être le rapporteur, et ils ont fait amstramgram mais c’est pas tombé sur lui, alors il est pris d’une colère irrépressible, il devient tout rouge, les fossettes disparaissent, les poings se serrent, les yeux lancent des skuds, c’est la fin des haricots. Tout ça se passe avant d’avoir commencé à réfléchir à l’énigme, ce qui fait qu’il n’y a encore rien à rapporter, la feuille de retour est toujours blanche. J’aide un peu à la négociation, accord trouvé, il sera rapporteur la prochaine fois. Bon… on peut reprendre maintenant ?
Jeudi. Ça y est, on a trouvé quatre questions sur le conte du jour. Il faut les recopier. Et si la motivation est optimum lors de la phase collective et orale, dès qu’il faut écrire, Monsieur Zonzon doit faire face à l’irrésistible appel du dessin en cours dans le casier. Je reste donc assise près de lui pour l’aider à contrer cette terrible tentation. Il me regarde du coin de l’œil, il me sourit, mais bon, il me trouve chiante, à ce moment précis, ça ne fait pas l’ombre d’un doute, et une fois la première majuscule écrite, celle de la date, il s’écroule sur sa feuille, épuisé de fatigue : « Maîtresse, j’en ai marre d’écrire… » J’ai bien compris l’idée, il en a marre d’écrire dans l’absolu. Pas cette fois là, en particulier, mais de manière générale, quoi : il en a marre d’écrire, écrire c’est relou. « De toute façon, reprend-il, mon stylo il a plus de batterie… » Ah ben mince alors.
Vendredi. Catastrophe à la récré : course poursuite, rencontre fortuite et brutale avec un mur, et bosse monumentale sur le front de Zonzon. On met du froid, et Zonzon rentre en classe en tenant le machin de sa petite main potelée. Au bout d’un moment : « Maîtresse, ça serait bien que je me tienne ça avec un bonnet… » Ah oui, tiens, bonne idée, justement, un autre se propose, il en a un dans son cartable, il le prête volontiers. Hop, le voilà parti vers le vestiaire.
Voilà ce qui m’a accompagnée le reste de la matinée. On fait pas un métier facile…