Attention, danger : enfants sous cloche…

C’est un dessin de Jack Koch qui m’a donné envie d’écrire ce billet. Jack Koch est un ex-enseignant devenu dessinateur, ses dessins sont toujours pétillants de malice et chargés de douceur, et généralement ils tapent juste.

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Celui-là m’est tombé dans l’œil juste au moment où je ne cessais de pester contre notre société d’hyper protection délirante (je peste souvent, bon, chacun son carburant, moi je peste). C’est vrai, les gosses ne se blessent quasiment plus, et quand ça arrive, tout le monde s’affole, ouvre les parapluies, déclare les faits précisément décrits aux assurances, demande des comptes, des explications, des responsables.

On installe des revêtements anti-genoux écorchés dans les cours.

On coupe les branches basses pour les empêcher de grimper aux arbres (heureusement, la crainte des insolations bloque l’idée de couper les arbres tout court).

On interdit les boulards susceptibles d’être lancés. Les toupies susceptibles de toupiller. Les élastiques qui claquent dans les yeux. Les cordes qui font trébucher. Autrefois, les petits garçons avaient tous des lance-pierres et des opinel dans leur poche…

On enlève bâtons et cailloux des petites mains, pour éviter les jets intempestifs qu’on nous reprocherait.

On nous demande de remplir des déclarations d’assurance pour un hématome au coude (on sait jamais, si la légère contusion dégénérait en arthrose à 60 ans, on saura contre qui se retourner).

On demande à la maîtresse d’où vient ce petit bleu sur la cuisse. Le mois dernier, elle avait le même, au même endroit.  C’est louche, non ?

On supprime les pots en verre, on bannit les obstacles, on arrondit tous les angles saillants, on installe des revêtements moelleux autour des poteaux, on met des anti-pinces doigts partout, on ferme tout à clé, on met hors d’atteinte, on réglemente, on interdit, on contrôle, on surveille. Tout. Tout le temps.

On grillage, on verrouille, on bloque, on protège, on sé-cu-rise.

Et on leur met dans les mains ces tablettes desquelles leur arrivent des contenus que personne ne songe à vérifier, mais bon, c’est un autre sujet, déjà exploré ici.

Laissez-les se bigner, s’écorcher, s’égratigner, prendre des risques, perdre l’équilibre, déchirer leurs vêtements, se salir, se bigorner, se pocher l’œil, se faire des bosses… Laissez-les expérimenter leur corps, laissez-les reconnaître ses réactions, découvrir ses capacités à cicatriser et à résister.

Laissez-les utiliser des outils qui coupent, qui pincent, qui tranchent, qui piquent, qui percent.

Arrêtez de les inquiéter avec vos inquiétudes.

Arrêtez de leur demander tout le temps « qui t’a fait ça, qui t’a poussé, qui t’a fait mal », question récurrente qui laisse croire que leurs maux sont forcément de la faute de quelqu’un d’autre. Les enfants commencent toujours par nous dire qui les a poussé avant de nous dire où ils ont mal ! C’est chiant, c’est dommage, c’est flippant.

Les enfants sont devenus empotés et anxieux, passifs et geignards. Ça va nous faire un joli paquet de névrosés… Les avocats et les psys se frottent les mains, et moi… ben moi je peste.

8 commentaires sur « Attention, danger : enfants sous cloche… »

  1. Mon frère dit toujours, toubib misanthrope ainsi anapath :
    « ma pharmacie: du rouge (mercuro-coloré) sparadrap et aspirine », stop;
    perso pareil (sauf fonction et personnalité) ..sous le coude et roulez jeunesse !

    Aimé par 1 personne

    1. Aucun des trois n’est désormais autorisé à l’école, mais on s’en sort quand même avec pas grand-chose (eau, savon, pansements, froid pour les bosses, et allô parents et SAMU quand ça craint).

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  2. J’ai passé ma carrière à rager contre cette manie de la sécurité, et de l’enveloppement dans du coton de ces chers mignons……
    Et ne parlons pas de leur douilletteté au moindre bobo, leurs allergies, leurs intolérances alimentaires, la parano des parents qui ne les laissent pas aller acheter le pain par peur des pédophiles, qui les accompagnent jusqu’à onze ans sonnés jusqu’à la porte de l’école, et en voiture les jours de pluie, qui leur portent leurs cartables parce que les pauvres ils ont mal au dos, qui leur font des certificats médicaux bidons parce que les pauvres ils n’ont pas envie de faire le cross ou d’aller à la piscine, qui leur demande si la maîtresse a été gentille et qui font leurs punitions ou leurs devoirs parce que les pauvres il faut qu’ils puissent se reposer devant leur tablette…
    Jusqu’à la nausée j’en ai bouffé !
    Ce monde est en train de faire des générations futures des mollusques.
    Et nous on regarde ça dépités…
    On a juste le droit de râler dans nos blogs.
    Bises frangine

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  3. J’applaudis avec les mains, les pieds et tout se qui peut faire du bruit ! Comme je disais dans un de mes articles récemment ( Forbidden games justement ! ) comment être vivant sans se cogner aux autres et à ce qui nous entoure..
    Entièrement : avec le corps, avec le regard et avec les mots … Peste encore ça fait du bien !

    Aimé par 1 personne

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