L’ultime clin d’œil de Zébulon

Voilà, à l’issue de cette deuxième année mouvementée, mon aventure avec Zébulon se termine. L’enfant a délaissé un peu les dinosaures sur la toute fin de l’année pour une nouvelle idée fixe : la Mort. Oui, évidemment, balancé comme ça, ça pose question. D’ailleurs ça pose question, je vous cache pas. Mais la réalité est toujours plus complexe et délicate que les clichés qui sont, eux, radicaux et sans nuance (c’est le propre du cliché) et donc généralement à côté de la plaque.

Zébulon a inventé un personnage qu’il a appelé La Mort en s’inspirant de Siren’ed (orthographe incertaine mais je ne vérifie pas, je m’en fous) qui, d’après ce que j’ai compris, est un monstre atroce d’un jeu vidéo sur lequel il a flashé. Genre qui bouffe tout et tous et crève et arrache et tue et découpe et décapite… Enfin bon un personnage très positif et relaxant. Zébulon parle de ce Siren’ed en boucle, une vraie fixation, et Pauline et moi, nous l’écoutons depuis son retour à l’école avec une légère circonspection.

Pauline c’est la jeune femme qui s’occupe de la garderie, la cantine et les récrés pour mon groupe classe depuis le retour post-confinement. C’est elle qui m’a mise au jus pour Siren’ed. Et c’est aussi avec elle que nous avons pensé que cette manie de s’occuper la tête avec des monstres terrifiants et ultra-violents (T-rex sanguinolants ou Siren’ed c’est du pareil au même, on s’est dit avec Pauline) c’était une manière pour lui de canaliser ses émotions négatives et envahissantes, sa propre violence ainsi attribuée dans son esprit à quelqu’un d’autre que lui. Car Zébulon a énormément progressé en terme de pétages de plomb. Plus de colères démesurées, plus de crises, l’enfant se contient de mieux en mieux, mais les émotions débordantes et incontrôlables n’ont pas disparues par un coup de baguette magique, et il a peut-être trouvé là un moyen de décentrer cette énergie en la fixant sur des personnages fictifs qui portent pour lui ses élans de rage… Oui, bon, d’accord : avec Pauline, on aime bien faire de la psychologie de comptoir.

Le dernier jour, Zébulon m’a encore entretenue très longuement sur le caractère délicieux de Siren’ed et de son personnage inventé La Mort. J’ai écouté. Avec application. Et puis je lui ai dit : « Bon, d’accord j’ai bien compris l’idée, mais franchement ce serait bien que tu passes à l’exploration d’un personnage un peu plus gai, tu vois ? Un truc de vie, parce que La Mort, tu en as fait le tour, là, non ? Allez, Zébulon, mon gars, j’aimerais bien que tu me parles de choses paisibles, d’aventures rigolotes et joyeuses, d’accord ? »

Il m’a regardé avec les yeux ailleurs, et il a enchaîné sur les extraordinaires pouvoirs destructeurs de Siren’ed. Alors j’ai souri, et je lui ai dit ok, t’es pas prêt encore, à ce que je vois… J’ai vraiment cru qu’il ne m’avait même pas entendue… Et puis hier, sa maman m’a envoyé ce dessin. Paraît que Zébulon tenait absolument à me le faire parvenir avant de partir en vacances. J’en suis restée comme deux ronds de flan, et j’ai souri toute seule devant ma boîte mail. Sacré Zébulon…

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