Les cours d’école, normalement, ce sont des espaces de détente pour enfants. Elles sont genrées à l’excès, grillagées et verrouillées, bitumées, minuscules, étouffantes en été, glaciales en hiver, en un mot : lugubres.
Alors, bon, évidemment, si mon fils lit ce billet et l’article de Libé ci-dessous qui me l’inspire, il va me tordre le cou, c’est sûr. Il est maintenant lycéen, mais il frémit encore de rage chaque fois qu’il évoque les injustices scandaleuses vécues lorsqu’il était à l’école primaires et infligées par des maîtresses qui, forcément, ne comprenaient rien au foot et préféraient les filles, ça fait pas l’ombre d’un doute. Ces instit’ zélées avaient (tenez-vous bien) interdit le foot pendant certaines récrés de la semaine ! Tout ça parce que ces bécasses de filles se mettaient exprès juste derrière les buts pour jouer à des jeux bizarres qui servent à rien comme faire ces trucs étranges avec les mains et ricaner en se tordant dans tous les sens. Ce qu’on peut très bien faire en bordure où ça gêne pas, non ? Et bien-sûr elles se prenaient le ballon en pleine poire et qui c’est qu’était puni ? C’est Bibi alors que le tir était fabuleux juste on se met pas devant, merde ! Bref, je connais le refrain pour l’entendre à la fois au boulot et à la maison.
N’empêche, j’entends aussi des petits mecs dire que bon, eux, le foot… mais si on n’y joue pas on n’a pas de copains.
N’empêche, j’entends aussi des petites nanas dire que elles, le foot, elles y joueraient bien si les gars qui occupent l’espace les dégageaient pas direct du terrain.
Et puis c’est vrai que ce ballon est agressif et omniprésent, que les cordes à sauter peinent à trouver leur espace, que les gosses qui voudraient bouquiner tranquilles sont assis par terre sur le bitume, que l’ombre est difficile à trouver, que grimper-escalader-franchir est réservé à la maternelle la plupart du temps, que la végétation y est inexistante, qu’on est toujours à tout sécuriser, tout nettoyer, tout barricader, au détriment d’une éducation saine et naturelle. Evidemment que quand ils trouvent un caillou, c’est le trésor du jour, évidemment qu’ils se rassemblent comme de pauvres hères pour gratter le carré de terre qui existe encore, qu’ils arrachent les feuilles au seul arbre qui trône dans un coin reculé et qu’ils se disputent l’espace à coup de mandales ou de mots fleuris, puisque la cour ne l’est pas, elle.
On pourrait changer ça, on pourrait aménager les cours d’école pour aller dans le sens des besoins des enfants tant qu’ils sont des enfants, et dans le sens des besoins des futurs adultes qu’ils vont devenir. C’est à dire des adultes qui ne sont pas cantonnés à des rôles arbitrairement déterminés par leur sexe, et quand bien même ils adopteraient librement ces rôles, qu’ils le fassent dans le respect des autres. Parce que oui, mon fils a raison d’être en colère, on l’empêchait de jouer, bordel, on l’empêchait de jouer à ce qui est sa raison de vivre : le ballon. Aujourd’hui, son ballon est ovale mais son obsession est toujours intacte. Organiser la cour pour que les gamins comme mon fils puissent taper comme des bourrins parce qu’ils en ont viscéralement besoin me paraît légitime. Organiser la cour pour que d’autres puissent jouer à autre chose en même temps me paraît juste évident.
Un espace au chaud, au calme, pour lire et crayonner, un espace pour jardiner, un espace pour bricoler, un espace pour jouer aux échecs ou aux cartes, un espace pour grimper, se balancer, escalader, sauter à la corde ou jouer à la marelle, un espace pour ne rien faire sans qu’on nous emmerde aussi, pourquoi pas !
Il faut du matériel, il faut des gens, il faut des agencements réfléchis, il faut de la place, et surtout, surtout, il faut de la bonne volonté. Et puis il faut sortir de ce qu’on connaît depuis toujours et qui paraît immuable, c’est sans doute ça le plus dur.
Dans mon école, on y réfléchit depuis quelques années. On n’en est pas aux tractopelles et aux architectes comme à Grenoble, certes, et on jongle avec la petitesse des lieux et de nos moyens, mais on avance, pas à pas.
Je suis instit, c’est vrai que les cours sont mal fichues, mal pensées, souvent sectionnées « filles / garçons »…
Et puis faudrait mettre du vert, des arbres. On aurait moins chaud et on pourrait observer la nature partout. Surtout en ville, on en a bien besoin.
Merci pour ce billet en tout cas !
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Merci pour ce retour. Oui, évidemment, on n’est pas logés tous à la même enseigne. J’ai bossé pendant quelques années dans un village des Pyrénées, la cour était un parc immense, avec des arbres multicentenaires et un ruisseau qui coulait au fond… Forcément, ça fait pas le même effet ! 😉
En tout cas, il y a à réfléchir, c’est évident…
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Ha oui, le rêve une cour comme celle-ci… Je suis à Lyon, on est loin de ça. Espérons que la nouvelle équipe municipale fera bouger les lignes ! 🙂
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Il faut l’impulser, et démarrer avec de petites choses et beaucoup de patience ! 😀
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