Je dis pas que c’est facile tout le temps, que c’est une partie de plaisir et que c’est devenu un accessoire dont on s’accommode sans même y penser. Mais soyons honnêtes : le port du masque par les enfants s’est fait avec une aisance déconcertante. J’ai vu des trucs insensés sur internet, comme quoi ils saigneraient du nez, vomiraient en rentrant chez eux, auraient des maux de tête et des vertiges. Se sentiraient muselés. (Muselés… mouarfarfarf ! Moi qui cherche encore le moyen de faire taire 12 secondes d’affilée mon Mister Centmillevolt de cette année !)
Faut pas déconner, je les ai en face de moi six heures par jour, et même davantage si on considère que je traînasse facilement dans la cour après la quille. S’ils étaient en souffrance, ne serait-ce qu’un tout petit peu, je leur ferais enlever immédiatement. Je n’hésiterais pas une seule seconde à enfreindre le protocole pour leur santé et même juste pour leur bien-être.
Faut pas déconner, ils se plaignent pour piche ou merde comme on dit par chez nous, alors s’ils avaient le moindre inconfort, ils sauraient me le dire. Et je doute que les parents nous laisseraient dans l’ignorance.
Je dis pas que c’est marrant, je dis pas que j’ai envie que ça dure. Oui j’ai du mal à entendre certains enfants dont la voix déjà fluette est étouffée par le tissu, je peste après ceux qui profitent de la planque pour faire des bruits de bouche (pas vus pas pris). On est obligées de brailler encore plus fort au milieu du brouhaha de la cour ce qui n’est pas peu dire. C’est pénible pour l’apprentissage de la lecture, c’est pénible pour l’anglais mais bon : je me recule, j’ôte mon masque le temps de montrer le mouvement de mes lèvres pour bien prononcer, c’est pas non plus la fin des zaricots. Mon plus gros souci finalement, c’est d’empêcher untel et unetelle de baisser le masque pour se faire un bisou sur la bouche, de convaincre unetelle et sa copine de ne pas s’échanger le masque trop beau de Reine des Neiges contre celui trop classe avec la licorne qui brille. Et puis je m’avoue inquiète sur le long terme de cette anxiété que ça génère, avec des réactions surréalistes : des petits bouts qui ont oublié leur masque de l’après-midi et qui attendent que je leur en donne un de mon stock en gardant la main sur la bouche et en regardant partout autour d’eux d’un air inquiet. Bien-sûr que je m’inquiète, j’aime pas, j’aime pas du tout, mais enfin, faut pas déconner non plus.
Que des gens mal informés, troublés par des rumeurs infondées, puissent nous soupçonner d’appliquer sans broncher un protocole dangereux pour nos élèves, ça me fout en rogne… Ces gens-là me manquent de respect. J’aime pas trop beaucoup ça, qu’on me manque de respect.
Que des gens privés de bon sens et excessivement belliqueux puissent faire un appel au harcèlement (oui oui ! WTF ?) pour le dessin ci-dessous qu’une collègue dessinatrice a partagé sur sa page FB (pour n’importe quel dessin, d’ailleurs, si on voit ce que je veux dire…), que des TDC relayent ça bêtement en abusant d’émoticônes rageurs et d’insultes anonymes, ça me colle carrément des vertiges. A ceux-là je dis : vous pouvez avoir vos luttes, vos convictions, et les défendre, bien-sûr. Je me battrais d’ailleurs bec et ongles pour que vous ayez toujours le droit de les exprimer, même si je les trouve moi-même complètement à côté de la plaque. Mais il me semble que là, dans ce cas précis des masques à l’école, vous vous trompez, et de combat, et d’adversaires. Alors on se calme et on respire par le nez.
