2021-2022, challenge numéro un

Chaque matin, en ouvrant les yeux, et même un peu avant, ma première pensée est pour eux. Mes challenges de l’année. Voici un portrait de mon number one de l’année, une petite tornade annoncée dès la maternelle et attendue de pieds fermes.

L’enfant, chose incroyable, paraît se démultiplier, prenant une place considérable au sein de la classe, dans la cour, à la cantine, au city-stade, à la garderie. Même quand il va aux toilettes on entend que lui. Cet enfant-ogre est partout, tout le temps, il me phagocyte, je me sens dévorée autant que je me sens adorée. Il plante sur moi ses yeux malicieux, son sourire aguicheur et m’assène méthodiquement ses réponses-à-tout, ses argumentations interminables, ses oui-mais obstinés.

Face à lui je ressasse aussi, les mêmes attentes, les mêmes obligations, les mêmes exigences, jour après jour une constance infaillible, et peu à peu, verrou après verrou, je sens que la résistance s’amollit, que je gagne du terrain, qu’il se transforme progressivement. Il accepte ce qui, au fond, finira par lui rendre la vie plus douce sans le dénaturer. Parce qu’il n’est pas question d’en faire une autre personne, il est lui et c’est très bien comme ça. Mais les autres, autour, ont le droit d’être eux aussi, sans prendre des coups de pompes quand ils veulent aussi le ballon ou être condamnés au silence parce que Bébert occupe le terrain verbal, incapable d’admettre que lever la main pour demander la parole c’est respecter le voisin qui la voudrait aussi.

On retrouve chez ce petit monsieur les impondérables déjà décrits autrefois sur le blog pour Gus ou Monsieur Zonzon : matériel répandu, cassé, perdu, jeté, éparpillé. L’organisation du casier est aléatoire, les « accidents de classeur » hebdomadaires, tout ce qu’il touche finit en miettes, en lambeau, éventré, déchiré, inutilisable, et forcément abandonné.

Il sait mieux, donc il le dit très fort et plusieurs fois, en coupant la parole. Il sait plus donc il dit avant et à toute vitesse. Il sait déjà donc il n’écoute que vaguement et sélectionne dans mon discours ce qui conforte ses pseudos connaissances. L’orgueil peut être un moteur, ou un empêcheur. Toute l’habileté éducative consiste à lui maintenir sa confiance en lui, son estime de lui, tout en lui rabattant quand même son méga-caquet. Le faire revenir à son statut de petit garçon. Celui qu’il n’aurait jamais dû quitter, et qu’il réclame de toutes ses forces, au fond.

Je ne cache pas, et c’est en filigrane dans ce billet, que Bébert m’exaspère. Souvent. Mais chaque matin, je me réjouis de le retrouver, je constate les progrès, les évolutions, c’est pas toujours simple mais on avance. Bien-sûr, il consacre plus d’énergie à contourner la consigne qu’à affronter la difficulté, il s’ingénie à chercher la faille qui lui permettra d’éviter l’effort, il passe un temps fou à trouver comment tricher, alors qu’il aurait pu simplement réussir… et ça, ça me fout en rogne. Je l’observe en travail de groupe, enfin capable d’écouter ses partenaires. Je l’observe en récré, enfin capable d’entendre ses camarades et leurs envies. Je l’observe abandonner peu à peu ses réflexes de brutalité, ses hurlements pour avoir raison, je l’observe et je me dis que je ne bosse pas pour rien. Cet enfant, tout épuisant qu’il est, me rassure sur ma pratique et me valorise dans mon métier. C’est pas rien. Et puis surtout je l’aime énormément. Il me fait fondre, il m’intéresse, il me stimule. Sacré Bébert…

6 commentaires sur « 2021-2022, challenge numéro un »

    1. L’implication n’est pas tellement une question de génération, à mon avis. J’en ai connu dans mon enfance qui n’avait pas vraiment la foi, clairement, et j’en vois aujourd’hui qui sont des perles ! Je bosse par exemple avec deux jeunes enseignants en REP+ dans le cadre d’un projet de jumelage entre nos écoles. Ils m’apprennent énormément, je suis admirative de leur niveau (pédagogique, éducatif et relationnel) et de leur énergie !

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      1. je ne parlais pas d’âge mais de changement de classe dans le cursus de la scolarité. Oui les jeunes qui ont la vraie vocation sont très intéressants et je leur tire mon chapeau, c’est de moins en moins facile dans quelque domaine que ce soit….. Bébert finira par changer de classe, l’enseignante suivante n’aura peut-être pas votre implication…….

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        1. Ah, je comprends pourquoi j’ai mal interprété votre commentaire ! 😉
          J’ai de la chance de travailler dans une équipe très motivée. On est soudées dans notre école, on parle beaucoup, les gosses sont très suivis d’année en année. Il a été bien pris en charge avant et le sera tout autant après moi, c’est cette continuité qui fait qu’on arrive à faire du bon boulot, moi toute seule je ne suis pas grand-chose…

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