Le ciel nous est tombé sur la tête.

Lundi soir, il y a eu une averse de grêle sur le village où je travaille. Des grêlons comme des balles de tennis, un bruit épouvantable, des toits éventrés, des infiltrations d’eau, les plafonds imbibés se sont écroulés dans certaines maisons, les velux ont explosé… En dix minutes, tout était ruiné, dévasté. Notre directrice nous a prévenues dans la nuit : alertée par le maire, elle filait à l’école constater les dégâts. Au petit matin quand je me suis levée, j’ai découvert ses messages, l’école était fermée, on ne savait pas pour combien de temps. On s’est toutes retrouvées là-bas, abasourdies, avec le personnel de mairie, à faire le constat ahurissant des destructions, à attendre le passage des experts, et à tenter d’organiser le retour des enfants le plus vite possible…

Finalement, on a pu accueillir tout le monde dès jeudi. Ils ont raconté, très choqués, inquiets, épuisés par trois nuits chaotiques peuplées de cauchemars et des journées harassantes à aider les parents à déblayer et à déménager pour certains. Les voitures sont HS, les jardins détruits, les maisons bâchées, un village entier comme empaqueté par Christo.

– Mon chat il a voulu traverser et il a pris un grêlon sur la patte, il saignait.

-Il y avait des vagues sur l’Ousse derrière chez moi, ça faisait comme la mer !

-Oui sur la piscine aussi, ça débordait.

-Le plafond est tombé sur mon canapé, j’ai eu trop peur maîtresse…

-Maman elle s’inquiétait que pour son bonsaï, ça énervait papa.

-Maîtresse, j’ai entendu que ça pouvait encore revenir, que peut-être on en aura d’autres, des averses de grêle ! C’est vrai ?

-Mais le spectacle de l’école, on va pouvoir le faire quand même ?

Notre psychologue scolaire de compétition a réuni l’équipe avant l’arrivée des enfants pour nous aider : adapter nos réponses, guider les témoignages, accueillir la parole, ou au contraire permettre le silence. Grâce à elle, nous nous sommes senties plus préparées.

Depuis quelques années, j’ai dû faire face dans mon métier à de nombreuses situations sensibles. Les drames intimes (décès de parents, maladies), les drames collectifs (Covid évidemment, inondations, tempêtes et maintenant grêle), les drames lointains mais qui impactent notre manière de vivre (les attentats ont générés ces alertes intrusion qui sont terrifiantes pour nos élèves, j’en parlais déjà dans cet article). Depuis qu’elle travaille sur notre secteur, notre psy nous aide énormément, elle le fait avec une rigueur professionnelle et un bon sens qui forcent le respect. Mais elle a un secteur immense, elle ne peut pas être partout, et rien dans notre formation, initiale ou continue, ne nous prépare à affronter ces situations. Comment parler aux enfants, comment les rassurer, comment veiller sur le court, moyen ou long terme aux signes de mal-être ?
Nous ne recevons de notre hiérarchie que des injonctions accompagnées de hochements de tête pseudo compatissants. Bien planquée sous son parapluie, la hiérarchie me regarde me mouiller en me criant de loin ce que je dois faire. Ensuite, quand j’ai fini de m’agiter, que je suis trempée jusqu’aux os, grelottante et épuisée, couverte d’hématomes et de boue, elle me met une petite claque sur la fesse pour me remercier et touche une prime à ma place.

Le spectacle on va le faire. C’est capital pour nous tous. Se réunir et se réjouir, voilà ce dont on a besoin aujourd’hui.

6 commentaires sur « Le ciel nous est tombé sur la tête. »

  1. Bien sûr que vous allez le faire, le spectacle. Comme tout le reste !

    Ne pas se laisser abattre malgré les contraintes en l’état. Quand à la hiérarchie …

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    1. C’est bien ça, on fait avec ce qu’on est humainement, et on fait pour le mieux. Mais justement… on est des professionnelles, et on doit avoir une attitude professionnelle, ne serait-ce que pour nous protéger nous-mêmes.
      Besitos, Jérôme !

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  2. Lorsque les enfants sont bien encadrés, par des enseignants et des équipes qui pratiquent leur métier comme un sacerdoce, ils ont beaucoup moins de dommages collatéraux par la suite, et vous n’en êtes pas assez remerciés. Je note en souriant les remarques sur le bonsaï et le souci du spectacle…. ces deux là sont déjà sur la bonne voie. Bon week end Camille

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