Début janvier paraissait un numéro de L’Obs consacré aux HPI. Le titre était annonciateur :
Tous HPI ! Haut Potentiel Intellectuel, l’explosion des diagnostics.
Nul besoin de préciser que mon œil fut attiré tel un aimant sur ce gros titre qui exprimait en quelques mots ce que nous ne cessons de déplorer dans nos salles des maîtres. Je vous conseille la lecture de ce numéro si le sujet vous intéresse, il est très intéressant.

Mon billet d’aujourd’hui concerne plus particulièrement l’article écrit par Pierre Lemaitre au sujet des dyspraxiques. Excellent article, juste et clair sur ce qu’est ce trouble et la souffrance dans laquelle sont plongés les enfants (et les adultes !) qui en souffrent. Les gosses qui galèrent avec ça, je les appelle parfois des « pattes d’ourson ». C’est vraiment l’impression que ça donne. Malgré leurs efforts, cette main est un poing, fermé, crispé, avec des doigts gourds, lents, raides ou très mous. Au bout de quatre mots ils ont mal jusque dans le dos, alors ils s’agitent, changent de position sans cesse. Ils s’épuisent, s’agacent, forcément. Imagine qu’on te demande d’enfiler des perles avec des gants de boxe… Tout le reste est à l’avenant, la moindre tâche du quotidien leur demande plus d’efforts pour moins de résultats. C’est décourageant non ?

Bébert est mon super-dyspraxique du moment. Pour ceux qui me suivent depuis longtemps sur le blog, Gus et Monsieur Zonzon étaient dyspraxiques aussi, mais quoiqu’il en soit, on en a dans toutes les classes, des gosses atteints de ce trouble. Plus souvent les garçons, et presque toujours avec un trouble associé type dyslexie, TDA/H et/ou HPI. Oups, je jargonne, scusi, je me reprends.

La dyspraxie fait donc partie de notre quotidien, à nouzot’ les instit’. C’est un trouble qui ne se soigne pas, qui ne se corrige pas, qui ne disparaît pas en grandissant. On doit donc composer avec, point barre. L’enfant devra apprendre à s’en dépatouiller, la maîtresse à contourner pour qu’il puisse avancer quand même.
Je n’ai jamais reçu la moindre formation pour accompagner au mieux et aménager le quotidien scolaire de ces enfants, pourtant tellement nombreux. Mes astuces, je les ai trouvées toute seule sur internet et en bavardant avec une amie éducatrice spécialisée dont les conseils m’ont beaucoup, beaucoup aidée dans ma classe. De l’Educ Nat, rien : #demerdetoi

Bien-sûr, la famille et l’école ont déjà fait un tas de démarches pour que Bébert soit aidé en classe. On pourrait envisager des soins d’ergothérapeute, un ordinateur en classe, un plan incliné, une aide humaine (AESH)… Pour obtenir ces aides, on me demande de remplir des dossiers, des questionnaires, des bilans dans lesquels j’explique encore et encore ce que ce petit bonhomme vit au quotidien et comment je m’y prends pour le soulager. C’est long. Très long. Il est maintenant en CE2. Il morfle. Il s’accroche mais il morfle. Sa confiance est émoussée, je vois son découragement poindre, et parfois des colères retenues, malgré mon aide (je fais secrétaire parfois -allez, Bébert, j’écris pour toi, dis-moi ce que tu voulais répondre- et je constate que souvent, il sait, il épelle le mot correctement, connait le calcul, mais cette main récalcitrante l’empêche, l’agitation de son corps le bloque, les pensées parasites le déconcentrent, aaaaaaarrrrgggh !)

Je peste évidemment après la lenteur de la prise en charge, mais je ne perds pas de vue que la dyspraxie, comme tous ces troubles qu’on connaît maintenant, existe depuis toujours. Autrefois on disait de ces gosses qu’ils avaient deux mains gauches ou qu’ils ne faisaient aucun effort (!!), ils ramaient comme des perdus à l’école, ils étaient punis, moqués, abîmés. Fussent-ils particulièrement intelligents, leurs compétences étaient rendues invisibles par le fait que dans nos sociétés, le passage par l’écrit est le seul valorisé.
Je fais de mon mieux mais je me sens impuissante, j’attends une aide qui tarde et pendant ce temps, Bébert bataille, bataille, bataille…