Y’avait longtemps pas vrai ? Pour les nouveaux venus sur mon blog, sachez que ce titre fait suite à quelques autres que j’ai écrits précédemment et que vous pouvez retrouver dans l’onglet « Vie d’instit » (lève les yeux, là, voilà, en haut, clique, découvre). J’aurais dû faire une série « mon cul » dès le départ, ça aurait eu de la gueule…
Après cette petite intro tranquille, histoire de décontracter le chaland, je fais vrombir les chevaux pour démarrer l’exploration de ce thème très à la mode de harcèlement scolaire. Manu en a fait une cause nationale, une de plus, et bien-sûr c’est un sujet récurrent sur le banc des maîtresses à l’heure de la récré et au portail de l’école avec les parents inquiets. Encore une fois, je ne sais pas ce qui se passe dans les autres écoles, dans les autres départements, dans les autres milieux géographiques ou sociaux, mais j’observe mon petit monde à moi, celui d’une école primaire lambda d’une zone semi-rurale (ou péri-urbaine ?) ordinaire d’un département relativement privilégié de notre belle France. C’est dire si je suis consciente de ma situation tranquille. Vivre là n’empêche pas les drames, les incivilités, les cas désespérés ou désespérants, les familles endeuillées, les handicaps et aussi, donc, le harcèlement. On n’est pas protégés a priori, on sait que ça peut arriver partout, on fait face quand ça se présente, mais on est souvent exaspérées lorsque ce mot est prononcé à la légère.
C’est grave le harcèlement, c’est destructeur, c’est impitoyable, c’est une plaie, on le combat, on le dénonce, on le pourchasse… quand il existe. Neuf fois sur dix, le vilain mot est employé à tort.
D’abord il y a le tout-venant. La routine. Oui, les enfants se disputent, se poussent, se font des croche-pieds, se chipent la corde à sauter, se moquent les uns des autres, tirent comme des bourrins en pleine tête à balle assise, se cachent les affaires, s’insultent copieusement. C’est un fait. Personne ne découvre ça en lisant mon billet n’est-ce pas ?
Autrefois, pour gérer ça, on avait plusieurs méthodes, souvent créatives et généralement très inspirées, genre agenouiller le gosse sur des grains de maïs (cru le maïs, évidemment, sinon c’est moins marrant), le bonnet d’âne, les bras en l’air au milieu de la cour et l’inoubliable savon sur la langue. Dans tous les cas on bavardait pas des heures pour chercher à comprendre qui quoi qu’est-ce, c’est une constante du mode éducative d’alors mais c’était dans les années 50. Certains regrettent parait-il.
Les gosses ne sont pas tendres, en tout cas pas toujours. C’est pas une nouveauté. Le conflit fait partie de la vie, il faut apprendre à s’en dépatouiller, ce qui implique de le vivre quand on est enfant. On ne leur épargnera pas ça, c’est impossible, je sais que ça fait mal au bide, qu’on voudrait tous que nos petits soient entourés de douceur et de compréhension mais voilà, Bisounoursland n’existe pas… Je sais c’est une sacrée déception quand on l’apprend.
Donc, à l’école, Perle d’amour va se disputer, ça fait pas un pli.
Mais il n’y a pas que ça…
Il se trouve que dans sa classe, il y a un gamin qui bouscule tout le monde. Il ne pousse pas Perle d’amour en particulier, il déglingue TOUT le monde. Il ne sait pas faire autre chose, c’est une sorte de réflexe. Un « objet humain » passe à proximité, hop il le dégomme, c’est son mode de fonctionnement. Nous les maîtresses, on intervient, mais forcément, on intervient toujours après. C’est comme la police, on aimerait qu’elle attrape les voleurs quand ils ne sont pas encore voleurs mais ça pose comme un souci éthique voyez-vous… Là encore, on aurait bien la technique de la privation définitive de récréation pour cet individu mais c’est interdit. Bon remarque, on le ferait pas quand même, ça tombe à pic, parce qu’on a plutôt une perspective d’amélioration pour Mister bulldozer qu’une condamnation à perpét dès 4 ans, ce qu’il pourrait convertir en rage inconsolable, en colère définitive contre le monde entier. On va quand même pas se mettre à fabriquer des sociopathes, on a des ambitions plus héroïques avec mes copillègues, en toute modestie.
Perle d’amour n’est pas harcelé. Perle d’amour joue de malchance d’avoir le même âge que Mister Bulldozer qui progresse bien au fil des années mais reste quand même encore un poil brutal. En même temps, Perle d’amour aurait un an de plus ou de moins, ce serait tout pareil car il y a des Mister Bulldozer dans toutes les classes. D’ailleurs il y a aussi des Langue-de-vipère ou des Choin-choin-la-malice, des Jo-le-mytho et autres Marcel-la-vanne-relou. Bon.
Mais il arrive que nous nous inquiétions vraiment, que le harcèlement soit avéré. Et là, je vais vous révéler une observation hautement scientifique qui m’a permis de peaufiner cette conclusion dingue qui n’engage que moi mais à laquelle je crois ferme et qui change tout dans la manière d’aborder le harcèlement à l’école :
Personne, je dis bien personne, jamais, ne s’est senti lui-même harceleur.
La plupart du temps, enquête faite, on constate que tous les protagonistes se croient victimes. TOUS. Ceux qui insultent le font généralement pour se défendre d’une précédente agression (en tout cas vécue comme telle), ceux qui frappent disent l’avoir fait « pour se rendre » selon une expression de chez nous, ceux qui menacent de mettre à l’écart le copain s’il ne fait pas ceci ou cela sont mangés par la crainte d’être exclus eux-mêmes, mal-aimés, ils anticipent et attaquent les premiers, terrifiés comme ils le sont.
Le harcèlement est une atrocité, on a tous en tête quelques drames récents et des images épouvantables d’un petit sans défense recroquevillé sous les insultes et les moqueries. En réalité ça se passe rarement comme ça, surtout à l’école primaire. Les choses sont complexes, les torts généralement partagés, les intimidateurs s’ignorent eux-mêmes avec une très grande conviction, les victimes surévaluent quelquefois les agressions, les parents n’ont, eux, qu’un seul son de cloche et sur-réagissent parfois, blessés comme ils le sont par leur propre histoire, ou bien le problème soulevé vient masquer un mal-être, une crise familiale, une trop grande pression scolaire ou que sais-je. Faire avancer le schmilblick, je peux vous le dire, n’est pas chose aisée… mais on y travaille.
Voici un padlet qui regroupe les outils à disposition des écoles pour travailler en amont dans les classes, car évidemment, la prévention c’est capital.