En ce moment, dans mon CE2, on lit Tistou les pouces verts, de Maurice Druon. C’est le seul roman pour enfant écrit par cet auteur, publié au début des années 70. Une merveille… Mes élèves seraient un peu jeunes pour le lire seuls, mais avec mon accompagnement c’est faisable, et surtout j’y tenais absolument, ayant moi-même un souvenir émerveillé de ma propre lecture lorsque j’étais enfant.
Dans ce roman, la famille de Tistou est une famille extrêmement riche, car voyez-vous Monsieur Père est marchand de canons. On le sait, ça rapporte des sous. Beaucoup de sous. Tous les peuples veulent des canons, ça aussi on le sait. Pour se défendre contre ceux qui en ont déjà et à qui on continue d’en vendre également, ce qui rend le commerce infini et très lucratif.
Comme ce commerce n’est pas près de s’arrêter, on nous apprend aussi que Tistou deviendra un jour le maître de la ville car il s’occupera à son tour de l’usine de canons comme l’avait fait avant lui Monsieur Père et Monsieur Grand-Père. Il ne deviendra pas pauvre, ça c’est sûr. (Bref, c’est pas tout jeune comme roman, mais c’est toujours frais.)
Alors qu’on en est là de la lecture, l’un de mes élèves laisse échapper cette remarque :
– Boh, les pauvres, s’ils sont pauvres c’est qu’ils sont feignants, ils ont qu’à se lever le matin et aller travailler.
Son voisin s’insurge aussitôt :
– N’importe quoi, c’est pas rigolo d’être pauvres, personne fait exprès d’être pauvre !
– Ben ils ont qu’à gagner des sous en travaillant alors…
– Déjà c’est pas facile de trouver du travail, et en plus y’a des gens ils ont du travail mais ils gagnent presque pas d’argent avec alors ils sont pauvres quand même.
– Ben… ils ont qu’à travailler plus !
– Mais on peut pas que travailler tout le temps…
– Je sais pas, moi, dit le premier en haussant les épaules, c’est ma mère qui dit ça…
– Ben oui, d’accord, lui répond son pote, mais toi, t’en penses quoi ?
– Ben… Je pensais comme ma mère mais là, finalement, quand je t’écoute, je me dis que en fait je suis d’accord avec toi.
Je n’ai évidemment rien dit, rien ajouté, rien commenté, j’ai laissé faire. On a repris la lecture.
J’ai pensé à la suite du texte, quand Tistou fait pousser des fleurs dans la prison de la ville parce qu’on lui a expliqué qu’on y enfermait les gens méchants et qu’il doute qu’on puisse guérir de la méchanceté dans un lieu aussi triste et laid. Vraiment ça nous promet de beaux débats…